Investir dans l’argent peut parfois s’avérer frustrant. Ce métal précieux, est délaissé par le secteur de l’investissement, n’est plus présent dans les réserves des banques centrales et semble décorrélé de fondamentaux de l’offre et de la demande qui paraissent haussiers. L’argent peut également être très volatil : il est parfois sujet à des rebonds brutaux imputables au regain d’intérêt des investisseurs particuliers et institutionnels.

 

Mais un faisceau probant de facteurs semble indiquer que les temps changent et que le cours de l’argent pourrait bientôt connaître un rebond significatif et durable, contrairement aux feux de paille que nous avons observé jusqu’ici.

 

 

Le « métal populiste »

Jeff Currie, de Goldman Sachs, a récemment évoqué les caractéristiques « populistes » de l’argent,1 un facteur mal compris et pourtant crucial pour saisir ce qui est potentiellement en train de se tramer. L’intérêt récent porté à l’argent par les utilisateurs de r/WallStreetBets, un forum en ligne pour les traders amateurs, s’inscrit dans cette puissante dynamique. La notion de populisme en investissement est un facteur éphémère mais déterminant. Elle a des implications significatives pour les métaux monétaires, lesquels conservent un statut de valeur refuge mais sont aussi utilisés pour « parier contre le système ». Aux yeux des gens, l’argent a toujours été une monnaie saine, circulant librement d’une main à l’autre comme moyen de paiement sans risque. On pourrait presque le qualifier de précurseur des cryptomonnaies, en tous cas plus que l’or qui, historiquement, joue davantage un rôle de garantie que de paiement.

Le potentiel de hausse brutale du cours de l’argent, dû à l’intérêt populiste qu’il suscite, est particulièrement pertinent car les quantités déjà extraites sont limitées. Or, le métal blanc est très en demande dans l’industrie moderne, qui s’en sert dans des domaines aussi variés que l’électronique, la technologie verte, les catalyseurs et les équipements médicaux. En d’autres termes, les stocks d’argent existants font l’objet d’une concurrence féroce, et l’apparition d’une demande d’investissement conséquente, sur un marché déjà tendu, n’est guère vue d’un bon œil par les banques.

Les chiffres publiés en décembre 2020 par LBMA (London Bullion Market Association) laissaient entendre que plus d’un milliard d’onces d’argent reposaient dans les coffres-forts londoniens, dont au moins 850 millions d’onces étaient déjà pris en compte par les ETF (exchange-traded products) Le « flottant » de métal disponible est extrêmement faible ; les produits finis (lingots et pièces) ont été achetés par un public de particuliers avides et on observe une hausse des taux d’emprunt de l’argent au sein du système bancaire spécialisé dans le négoce de métaux précieux. Tout cela laisse déjà entrevoir de réelles tensions. Si le cours de l’argent dépassait les 30$ l’once, et si celui de l’or se hissait au-dessus des 2 000$, nous assisterions, je pense, à un véritable resserrement.
Pourquoi la situation actuelle est-elle différente de celle de 1980 et 2011 ?

En 1979/1980, lorsque les frères Hunt et d’autres ont fait grimper le cours de l’argent jusqu’à 50$ l’once (soit plus de 120$ l’once en monnaie actuelle, corrigée de l’inflation), la hausse des prix a été alimentée par l’utilisation de marges dans les contrats à terme. C’est-à-dire que l’évolution du cours est imputable à des investissements à effet de levier et non à l’accumulation d’argent physique sur le marché au comptant. En 2011, nous avons assisté à une évolution similaire des contrats à terme. Dans les deux cas, ce rebond du marché à terme a été annihilé par des augmentations répétées des appels de marges. Cette fois, le système bancaire spécialisé dans le négoce de métaux précieux a un problème avec le marché physique – le marché au comptant – en raison de la croissance insoutenable de la demande pour l’ETF sans effet de levier iShares Silver Trust (SLV).

 

Depuis avril dernier, par exemple, la taille d’SLV a considérablement augmenté, en tant que véhicule d’investissement long only, en raison de la demande accrue de la part des investisseurs particuliers et professionnels. Le problème, c’est qu’SLV est adossé à des actifs physiques et doit par conséquent augmenter le volume d’argent physique pour répondre à l’augmentation de la demande. Or, d’après nos calculs et si l’on en croit les chiffres de LBMA mentionnés plus haut, il ne reste que peu ou pas d’argent physique à Londres qui puisse être adossé aux produits ETF. Il y a peu, l’intérêt des investisseurs pour SLV durant trois jours a été tel que l’ETF aurait été obligé d’ajouter 110 millions d’onces d’argent physique pour couvrir les nouveaux afflux de capitaux. Face à une offre annuelle de 800 millions d’onces provenant des mines et sachant que les besoins de l’industrie représentent 70 à 80 % de ce volume, cette situation est clairement insoutenable. Rappelons également qu’SLV n’est qu’un des nombreux ETF liés à l’évolution du cours de l’argent proposés aux investisseurs.

Quelle est la prochaine étape ?
Si le cours de l’argent devait bientôt dépasser 30$ l’once, l’intérêt à l’égard d’SLV et d’autres véhicules de ce type de la part des investisseurs institutionnels et professionnels augmenterait à nouveau selon moi. Mais ma question reste en suspens : « Où vont-ils trouver cet argent ? » Même si les conditions d’exploitation minière reviennent à la normale en 2021 une fois passée la crise de la Covid-19, seules 800 millions d’onces d’argent feraient leur apparition sur le marché, dont au moins 600 millions seraient nécessaires à l’industrie.

J’ai du mal à comprendre comment le marché de l’argent peut continuer à fonctionner aux cours actuels si la croissance des investissements et de la demande industrielle se poursuit au même rythme. Les courtiers en métaux précieux (lingots et pièces) ont été éliminés, comme cela se produit périodiquement lorsque le besoin de couverture monétaire augmente, mais la reconstitution des stocks semble peu probable à court ou moyen terme en raison de la pression exercée sur l’offre par l’industrie et le système bancaire. Dans ce contexte, l’attention portée aux « stocks d’argent existants » devrait rester l’un des facteurs clé en 2021.

1Bloomberg. https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-02-06/goldman-commodities-strategist-says-silver-is-the-populist-metal

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