Que s’est-il passé ?

Les autorités suisses ont décidé d’user de leur pouvoir pour liquider intégralement les obligations Additional Tier 1 (AT1) du Crédit Suisse (CS) (également connues sous le nom d’obligations contingentes convertibles ou d’obligations CoCo), alors même que les fonds propres n’ont pas été ramenés à zéro dans le cadre de la transaction par laquelle UBS a acquis Crédit Suisse pour 3 milliards de francs suisses. Bien que la faillite de CS ait été évitée, le gouvernement suisse a fourni sa garantie à UBS pour un risque de perte additionnelle de 9 milliards de francs suisses (grâce à une nouvelle loi) et a donc été autorisé à liquider les AT1. Il s’agit clairement d’un événement malheureux pour les investisseurs du CS AT1.

 

 

CS était dans une situation fragile. Après une longue période de mauvaises performances, les retraits de dépôts se sont accélérés après l’annonce d’un manque de soutien supplémentaire de la part de la Saudi National Bank, le premier actionnaire de CS. Paradoxalement, cette décision a probablement été motivée par la taille de leur participation existante plutôt que par une opinion négative de la banque.

 

 

Le résultat le plus surprenant a été que le régulateur ait autorisé une dépréciation totale des CS AT1 tout en laissant la valeur résiduelle aux détenteurs d’actions. Afin de persuader UBS d’effectuer la transaction, le régulateur a non seulement garanti les pertes potentielles (9 milliards de francs suisses) sur la valorisation des actifs, mais a également autorisé la dépréciation des AT1. Cela semble légitime : les documents AT1 de CS autorisent cette action si les ratios de capital de la banque tombent en dessous d’un certain seuil, ce qui est courant pour les AT1 dans le monde entier. Cependant, ils prévoient également une dépréciation si le risque de survie est en jeu, ainsi que le besoin d’un « soutien extraordinaire du secteur public ». CS s’est trouvé dans le deuxième cas.

 

 

Les investisseurs en AT1 connaissaient donc le risque : ce qui a choqué de nombreux acteurs du marché, c’est que les détenteurs d’actions ont reçu 0,76 CHF par action d’UBS alors qu’ils occupaient une position inférieure dans la structure du capital. Cela crée-t-il un précédent pour les AT1 ? À notre avis, non. Si les régulateurs suisses ont adopté une ligne de conduite inhabituelle, d’autres régulateurs ont rapidement pris leurs distances.

 

La Banque Centrale Européenne (BCE) a immédiatement précisé que les actions seraient les premières à absorber les pertes : « Les instruments de fonds propres ordinaires sont les premiers à absorber les pertes, et ce n’est qu’après leur liquidation complète qu’une dépréciation de l’Additional Tier One est nécessaire. Cette approche a été appliquée de manière cohérente dans les situations précédentes et continuera de guider les actions du SRB (Conseil de Résolution Unique) et de la supervision bancaire de la BCE dans les interventions en cas de crise ».

 

 

La Banque d’Angleterre (BoE) a également confirmé que « les instruments AT1 se classent devant CET1 et derrière T2 dans la hiérarchie ». Il s’agit donc d’un événement idiosyncratique, à notre avis. CS était dans une position très faible et risquait une fuite des dépôts dans un environnement de resserrement rapide des liquidités. Étant donné qu’il a été fait appel à l’argent public, ses AT1 ont été liquidés. Il est plutôt inhabituel que les détenteurs d’actions aient reçu une petite compensation, mais il est clair pour nous que ce n’est pas une voie que d’autres régulateurs suivraient.

 

Notre positionnement au regard de ces événements

Notre tâche dans la gestion de la stratégie Contingent Capital est d’identifier les bonnes expositions à travers les émetteurs financiers et les meilleures tranches dans la structure du capital pour les détenir. Compte tenu des problèmes fondamentaux rencontrés par CS sur une longue période et de la volatilité observée ces derniers mois, nous avons estimé que la banque était exposée à un risque d’exécution important alors qu’elle tentait de renouer avec la rentabilité. Par conséquent, nous n’avions pas d’AT1 du CS.

 

Par ailleurs, nous étions convaincus que CS était une banque d’importance systémique que les autorités suisses soutiendraient, ce qui s’est avéré être le cas. Nous détenons donc des titres senior debt de CS, qui ont été protégés tout au long de ce processus et ont enregistré des performances positives, en particulier après l’annonce de la reprise par UBS.

 

En ce qui concerne le reste de notre exposition, nous avons constaté au cours des derniers mois que le resserrement des liquidités et le risque de récession plus élevé exerceraient une pression sur les valorisations des banques. Dans ce contexte difficile, nous avons maintenu l’exposition à d’autres CoCos du secteur bancaire au minimum autorisé par notre prospectus (légèrement plus de 75 %), préférant des séniorités plus élevées et des liquidités. Ce positionnement a permis à la stratégie d’obtenir des résultats nettement supérieurs à ceux de son indice de référence.

 

Cela pourrait-il créer une nouvelle norme pour l’AT1 en tant que classe d’actifs ?
Le seul précédent avant CS était Banco Popular, qui a fait l’objet d’une procédure de résolution complète. Dans ce cas, les actions, les titres AT1 et T2 ont été réduits à zéro et la banque a été vendue à Santander pour 1 euro symbolique. Le cas présent est très différent : CS a été acquise et sa clause de viabilité a été déclenchée. En Europe, en cas de stress ou de non-viabilité d’une banque, la procédure normale consisterait à déprécier les actions avant l’AT1, et les régulateurs ont insisté sur ce point. Nous considérons donc comme un évènement idiosyncratique. L’intérêt de détenir des AT1 reste le même : l’accès à des rendements plus élevés en échange d’une position plus à risque dans la structure du capital, mais toujours plus élevée que les actions. Il s’agit d’une opportunité attractive si vous choisissez le bon émetteur.
Les spreads sur les AT1 devraient-ils être plus larges ?
Il pourrait y avoir des conséquences sur le coût du capital pour les banques et un maintien de la volatilité. Nous nous attendons à ce que le marché AT1 se stabilise avec le temps, à mesure que la visibilité revient sur le marché. Les actifs de CS n’ont pas été fondamentalement dépréciés. Ce que nous avons vu la semaine dernière, c’est une perte de confiance pour une banque qui était déjà sur la voie d’une restructuration difficile, conduisant à des retraits de dépôts qui ont été exacerbés par une mauvaise communication de la part d’un actionnaire clé. Les autres banques européennes sont dans une situation beaucoup plus solide, avec de meilleurs profils de rentabilité et des niveaux plus faibles de dépôts non assurés.
AT1 d’UBS dans le cadre de la stratégie Contingent Capital ?
La stratégie Contingent Capital est également sous-pondérée sur le secteur bancaire par rapport à l’indice de référence, avec 1,4% de la stratégie investie dans ce secteur contre 5% dans l’indice de référence. Néanmoins, nous sommes relativement satisfaits de l’accord obtenu par UBS, étant donné le faible prix et le niveau élevé des garanties gouvernementales. Il s’agit là de bonnes conditions, selon nous. Après l’expérience des détenteurs d’AT1 CS, nous pensons que le marché devrait se méfier des AT1 émis par des sociétés suisses, raison pour laquelle nous maintenons une forte sous-pondération. Il est plus facile d’avoir confiance dans les actions des régulateurs européens et britanniques à l’avenir.
Pourquoi investir dans les AT1 dans le futur ?

Les CoCos ou AT1 ont été conçus après la crise financière mondiale de 2007-2008 comme un moyen pour les banques et les régulateurs de gérer leur dette plus efficacement et, en fin de compte, d’aider à résoudre plus facilement les situations de crises. En tant qu’investisseur, vous bénéficiez d’un rendement plus élevé (aujourd’hui supérieur à 15% dans certains cas) en échange d’une position plus à risque dans la structure du capital. C’est pourquoi les déclarations faites par la BCE et la BoE immédiatement après l’annonce de la fusion étaient si importantes : les AT1 restent une composante importante du capital des banques et se classent avant les actions.

 

Outre un rendement plus élevé, les multiples tranches de la structure du capital des banques permettent aux gérants que nous sommes de mettre en œuvre notre analyse fondamentale des banques. Nous pouvons prendre un risque AT1 dans les banques saines et ne prendre aucun risque ou seulement un risque de tranche senior dans les institutions plus faibles.

 

Même après la débâcle du CS, le système bancaire européen nous semble très sain. Les ratios de capitalisation sont 2 à 3 fois plus élevés qu’en 2007. Les banques sont régulièrement soumises à des stress-tests en termes de capital et de liquidité. Compte tenu de cette réalité, les rendements disponibles sur les AT1 par rapport au risque encouru sont extrêmement attractifs, et ce d’autant plus après les récents événements. Comme toujours dans le domaine des obligations, il convient d’éviter les fruits pourris en procédant à une sélection rigoureuse, comme le montre clairement le cas de CS.

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