Perspectives 2023 : Les obligations sont de retour
Ariel Bezalel et Harry Richards évaluent les perspectives des obligations tandis que l’inflation s'estompe et que des inquiétudes surgissent concernant la croissance.
Toutefois, un certain nombre d’indicateurs avancés montrent que l’environnement inflationniste est en train d’évoluer, même s’il est encore loin d’atteindre le niveau de 2 % souhaité par les autorités monétaires. La croissance de la masse monétaire s’effondre aux États-Unis, et des baisses trimestrielles annualisées de cette ampleur n’ont plus été observées depuis la Grande Dépression.
L’indice des prix à la consommation (IPC) américain s’est replié après avoir atteint en juin son plus haut niveau depuis quarante ans (9,1 %), les prix des matières premières, des denrées alimentaires et du pétrole ayant chuté par rapport à leur pic de début d’année. Les prix à la production en Chine sont tombés à leur plus bas niveau depuis deux ans, ce qui devrait également soulager l’IPC américain. La question n’est plus de savoir si l’inflation va ralentir, mais plutôt à quel rythme et où elle va finir par se stabiliser.
En général, les économies prennent entre 12 et 24 mois pour digérer une hausse ou une baisse des taux, en fonction du niveau d’endettement. Si l’on se fie aux antécédents historiques, il est très peu probable de passer sans encombre d’une inflation élevée à une inflation normalisée tout en maintenant une croissance stable. Dans ces conditions, les banques centrales ont tendance à resserrer leur politique monétaire de façon excessive en raison du délai important et variable avant que leurs retombées ne se fassent sentir. À l’aube de 2023, la politique monétaire est déjà très restrictive, l’essentiel des resserrements précédents doit encore être digérée et de nouveaux relèvements sont attendus sur plusieurs marchés. Nous estimons que cela va provoquer un fort ralentissement de la croissance, que les récents chiffres de l’indice des directeurs d’achat (PMI)2 ont permis de déceler dans une certaine mesure, et plusieurs indicateurs avancés montrent que la situation risque de se détériorer en 2023.
Le corollaire naturel de la récession sera une chute brutale de l’inflation. Une analyse montre qu’au cours des 100 dernières années, l’indice des prix à la consommation (IPC) aux États-Unis a diminué en moyenne de 7 % durant les périodes de récession.
Les prix du logement influencent également les habitudes de consommation et, en fin de compte, la santé de l’économie dans son ensemble. La hausse des taux hypothécaires a considérablement réduit l’accès au logement, en particulier aux États-Unis. Les prix sont en baisse au Royaume-Uni, à Hong Kong, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Suède. Le marché immobilier chinois traverse également une période difficile, ce qui a naturellement une incidence sur la croissance économique mondiale.
Enfin, les marchés immobiliers sont essentiels vis-à-vis de l’inflation puisque le logement représente environ un tiers de l’IPC américain. Ces derniers mois, l’IPC du secteur du logement a rattrapé la hausse parabolique des prix de l’immobilier observée ces dernières années. Si l’on examine des indicateurs plus opportuns, tels que les loyers demandés sur le marché, on peut déjà constater un ralentissement significatif. En d’autres termes, la faiblesse du marché immobilier se traduira par une baisse des prix des logements à l’avenir.
Dans l’ensemble, le contexte de croissance devrait inciter les banques centrales à interrompre, puis à inverser certaines des mesures prises en 2022. Il pourrait s’agir de l’arrêt des mesures de resserrement quantitatif (vente d’obligations) ou du début de la baisse des taux, ou d’une combinaison des deux. Nous pensons que la Réserve fédérale américaine est susceptible de marquer une pause dans la hausse des taux au premier semestre 2023 et de passer à un cycle d’assouplissement plus tard dans l’année. Cela constituerait un environnement favorable à des rendements obligataires très élevés.
L’histoire nous rappelle que la Fed observe généralement une pause entre quatre et six mois avant de réduire ses taux, mais ce processus pourrait être accéléré si le chômage s’envole ou si d’autres indicateurs économiques se détériorent de manière particulièrement brutale. Le maintien de la stabilité des prix est l’un de ses objectifs économiques clés, au même titre que le « plein emploi ». Par conséquent, nous nous attendons à ce qu’elle intervienne pour éviter toute détérioration rapide sur le marché de l’emploi.
Les marchés financiers font également face à d’autres risques. Le conflit entre la Russie et l’Ukraine est toujours en cours et l’incertitude est élevée. Nous évitons d’établir des prévisions spécifiques concernant les prix du pétrole ou du gaz naturel, car ils dépendront essentiellement de facteurs imprévisibles tels que la fin du conflit ou la rudesse de l’hiver à venir. Cependant, il est clair que les matières premières ne sont plus le principal moteur de l’inflation et nous pouvons nous attendre à une certaine désinflation à l’avenir, comme cela a déjà été le cas pour certains métaux de base.
2 L’indice PMI est basé sur une enquête menée auprès de cadres supérieurs dans le but d’évaluer les tendances économiques de leurs entreprises, en mesurant notamment les nouvelles commandes et les stocks.
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