Ned Naylor-Leyland, responsable de la stratégie Or et Argent, évoque la hausse de l’inflation, les liens entre les monnaies métalliques et les monnaies numériques et le rôle qu’ils peuvent jouer dans l’évolution du système financier.

 

L’inflation est en hausse en Europe, aux États-Unis et en Chine, tant au niveau des détaillants que des producteurs. De nombreux investisseurs et consommateurs s’inquiètent à juste titre de l’effet de la hausse des prix sur le rendement des investissements et le pouvoir d’achat.


Le marché semble supposer que l’inflation est transitoire plutôt que permanente, pourtant ce n’est pas mon avis. Je pense que l’inflation que nous observons est principalement un phénomène monétaire et que les banques centrales ne seront pas en mesure de réduire leurs énormes bilans de sitôt.


Il y a eu des périodes de l’histoire où les banques centrales se sont comportées de la même manière – et ce ne s’est pas particulièrement bien terminé. Ce qui est sans précédent cette fois-ci, c’est la nature mondiale de l’accroissement des bilans. Je dirais également que l’inflation est une variable sous-évaluée sur les marchés aujourd’hui, même après le commentaire de juin de la Réserve fédérale (Fed).

Impression et dépenses

Je pense que l’environnement macroéconomique actuel fait de l’or et de l’argent un investissement attractif. Bon nombre des facteurs qui ont entraîné la hausse de l’or l’année dernière – l’impression monétaire et les dépenses budgétaires – se poursuivent sans relâche. On dit parfois que l’or et l’argent sont une couverture contre l’inflation, mais il est plus exact de dire qu’ils sont une couverture contre la perte de pouvoir d’achat. Cela se reflète dans les taux d’intérêt réels – ou, par exemple, le rendement d’une obligation après prise en compte de l’inflation. Pour de nombreux détenteurs de bons du Trésor américain, les rendements réels sont négatifs.

Nous pensons que les rendements nominaux auront du mal à suivre le rythme de l’inflation, que la Fed ne sera pas en mesure de relever beaucoup les taux d’intérêt et que les rendements réels continueront de baisser avec le dollar américain. Une petite allocation sur une stratégie de gestion active d’or et d’argent peut protéger contre les rendements réels négatifs et peut constituer un bon facteur de diversification pour les portefeuilles.

Une autre classe d’actifs retient en ce moment l’attention de tous : les crypto-monnaies. Récemment, j’ai eu une conversation avec Daniel Masters, président de la plateforme d’actifs numériques CoinShares, qui a abordé les similitudes et les liens entre les monnaies métalliques et les crypto-monnaies.1

Actifs populistes

Les monnaies métalliques et les crypto-monnaies sont, à mon avis, des actifs populistes. Ce qui signifie qu’ils ne dépendent pas tellement de tiers de confiance comme les banques, et qu’ils attirent aussi bien les investisseurs particuliers qu’institutionnels. Les valorisations des bulles, l’histoire de Gamestop, la finance numérique et la décentralisation – tous ces thèmes sont liés au populisme et se croisent avec les crypto-monnaies, l’or et l’argent.


Il y a eu le « silver squeeze », une poussée de la demande des particuliers au début de l’année, et je ne pense pas que nous en ayons vu la fin. L’argent a été à travers l’histoire une forme populiste de monnaie. Les gens du peuple l’ont utilisé comme monnaie légale à travers les âges. Cette tendance se poursuit et j’ai remarqué cette année une augmentation des achats d’argent physique en espèces, alors que lors des précédents pics de demande, le métal blanc était surtout acheté à la marge.

Spécial Dollar

L’or, l’argent et les monnaies numériques ont un rôle à jouer dans l’évolution du système monétaire mondial. Combien de temps le dollar conservera-t-il les avantages particuliers liés au fait d’être la monnaie de réserve mondiale ? La technologie va-t-elle encore réécrire les règles qui régissent nos dépenses et nos investissements ?

Nous sommes peut-être à l’aube de changements dans le système monétaire mondial, et l’énorme croissance des monnaies numériques en fera partie. L’or a également un rôle de premier plan à jouer. Les réformes proposées dans les règles réglementaires de Bâle 3, qui devraient entrer en vigueur en janvier 2022, feraient passer l’or physique d’un actif de catégorie 3 à un actif de catégorie 1, ce qui le mettrait sur un pied d’égalité avec les liquidités et les bons du Trésor américain du point de vue de la pondération du risque de capital.2 Une autre modification de Bâle 3 augmenterait le montant du financement à long terme que les banques, y compris les London bullion banks, sont obligées de détenir pour les transactions sur l’or. Il s’agirait de changements structurels importants pour le marché de l’or, qui pourraient stimuler la demande de ce métal précieux, dont l’offre est relativement limitée.  

Valeur réelle

Je prévois que l’or deviendra le « stablecoin » du nouveau système monétaire entièrement numérique. En effet, l’entrée d’une monnaie véritablement saine (et traçable) dans l’espace financier décentralisé catalysera et accélérera le processus de distribution et l’utilisation des actifs et solutions cryptographiques. Je pense que l’État l’acceptera et l’encouragera parce que les gouvernements, par l’intermédiaire de leurs banques centrales, détiennent de l’or en tant qu’actif de réserve principal, et qu’il existe un besoin accru à l’échelle mondiale d’une monnaie apolitique pour remplir la fonction sans risque que le dollar remplit actuellement.


Cet arrangement soulignerait le rôle traditionnel de l’or et de l’argent en tant que véritable monnaie sans risque – une monnaie apolitique qui n’est pas émise par un gouvernement ou une banque centrale. Il mettrait également en évidence ce que l’or et l’argent ont toujours été : des réserves de valeur réelle.

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